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The perspective of eternity is not a perspective from a certain place beyond the world, not the point of view of a transcendant being; rather it is a certain form of thought and feeling that rational persons can adopt within the world (John Rawls).



Tuesday, April 21, 2009

DOCTRINE SOCIALE DE L'EGLISE ?

Conseil Pontifical Justice et Paix, Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, Cerf/ Bayard /Fleurus- Mame, Paris 2005, 530pages.

Edité par le Conseil Pontifical Justice et Paix, ce document présente les lignes fondamentales du «corpus doctrinal» de l‘enseignement social de l’Eglise catholique tirées des documents conciliaires, des encycliques, des discours des Papes, des documents élaborés par les Dicastères du Saint- Siège (n°8).

Dans l’introduction intitulée «Humanisme intégral et solidaire», l’Eglise est présentée comme peuple de Dieu en marche vers le troisième millénaire, sous la conduite du Christ (n°1). Dans cette pérégrination, elle annonce l’Evangile de salut aux hommes dans des rapports sociaux et économiques. Aussi leur offre-t-elle des principes de réflexion, des critères de jugement et des directives d’action sur base desquels il est possible de promouvoir un humanisme intégral et solidaire. Ce document relève un triple défi: défi de la vérité même de l’être- homme, défi de la compréhension, de la gestion du pluralisme et des différences à tous les niveaux, défi de la mondialisation (n°16).

Le corps du compendium est divisé en trois parties.

La première concerne d’abord la dimension théologique permettant d’interpréter et de résoudre les problèmes actuels de la convivialité humaine (cfr Centesimus annus 55). Elle comprend quatre chapitres dont le premier montre le dessein d’amour de Dieu pour l’humanité (n°20). La personne humaine est appelée à se faire accueillir dans l’Amour Trinitaire. Mais Dieu parfait sa mission salvifique au sein de l’Eglise. Celle-ci demeure le sacrement de salut au cœur du monde. La mission cœur du monde devient ainsi le lieu d’incarnation de la doctrine sociale (p.33-59). Celle-ci est un instrument d’évangélisation sociale c’est-à-dire elle fait résonner la parole libératrice de l’Evangile dans le monde complexe de la production, du travail, de l’entreprise, de la finance, du commerce, de la politique, de la jurisprudence, de la culture et des communications sociales (n°70).
Au cours de l’histoire, la doctrine sociale s’est formée sur des thèmes spéciaux. Son fondement réside dans la révélation biblique et dans la tradition de l’Eglise. Quand à sa nature, la foi et la raison en constituent les deux voies cognitives. Dans cette évolution de la doctrine sociale, un seul principe demeure récurrent: l’intangible dignité de la personne humaine, image vivante de Dieu lui-même (n°105). De ce principe fondamental découlent d’autres parmi lesquels le principe du bien commun comme fondement de tout aspect de la vie sociale (n°164), le principe de subsidiarité dont la conséquence est la participation (n°189), le principe de destination universelle des biens (n°171), le principe de solidarité (n°192). Au-delà de ces principes, la doctrine sociale indique aussi les valeurs de vérité, de liberté, de justice etc… dont la source intérieure est la charité dans sa dimension interpersonnelle et socio- politique (n°205).

Le cinquième chapitre concerne la famille comme cellule vivante de la société (n°213). Le mariage en est le fondement. On note en passant que l’Eglise y affirme la différence et la complémentarité physiques orientées vers le bien du mariage et l’épanouissement de la vie en famille. Mais pour faire vivre celle-ci, Dieu recommande à l’homme de cultiver et conserver la terre. Le travail confère ainsi une dignité à l’homme qui devient non seulement créateur à l’image de Dieu mais surtout comme gestionnaire d’un monde dont il n’est pas l’auteur (n°255). Au secours du travailleur, l’Etat est convoqué pour promouvoir les droits du travailleur. L’homme travaille pour produire les biens dont il besoin et parachever l’œuvre de la création. Ainsi, les institutions économiques doivent être au service de l’homme. L’Etat devra y jouer un rôle régulateur. De même, la communauté politique doit être au service de la société civile définie comme «l’ensemble des relations et des ressources culturelles et associatives, relativement autonomes par rapport au milieu politique et au milieu économique» (p.234-236). Dans tous les cas, la personne humaine et le fin de tout communauté politique.

Les communautés politiques constituent la communauté internationale. Celle-ci, objet du neuvième chapitre (p.240-254), est à comprendre dans une perspective biblique qui évoque l’unité de la famille de Dieu. C’est un objectif à atteindre. Voilà pourquoi la coopération internationale est souhaitée dans la lutte contre la pauvreté et la suppression de la dette (p.251-254). Pourtant, au cœur de cette communauté internationale gît une crise de rapport entre l’homme et l’environnement à sauvegarder (p.255-274). L’homme doit assumer sa responsabilité de préserver un environnement intègre et sain pour tous (p.263). Soulignée aussi dans l’usage des biotechnologies et dans le partage des biens de la terre, cette responsabilité doit trouver sa traduction adéquate au niveau juridique dans la justice, la solidarité et la paix. Cette question cruciale (275-293) clôturant la deuxième partie du document, se promeut par le développement. En prêchant le pardon et la réconciliation, l’Eglise peut aussi être agent promoteur de ce développement. Voilà pourquoi elle invite les Etats au désarmement général, équilibré et contrôlé. Mais puisque les Etats ne disposent pas toujours des instruments adéquats pour cette paix, ils ont besoin des organisations internationales.

Toutes ces recommandations restent lettre morte s’il n’y a pas de la part des chrétiens une réelle volonté d’agir. Aussi la troisième partie ne comprend qu’un chapitre mettant la doctrine sociale en lien avec l’action ecclésiale (p.297-330). L’Eglise invite les fidèles laïcs à s’engager dans les réalités temporelles, comme témoins du Christ et pratiquant de l’Evangile (p.306-324). Cette présence des fidèles laïcs dans le domaine social doit se remarquer par le service à la personne, à la culture, à l’économie, à la politique (p.311-324).Elle encourage les associations des fidèles laïcs comme lieu d’incarnation officielle de la doctrine sociale.

La conclusion intitulée ‘Pour une civilisation de l’amour’ (p.325-330) montre que la doctrine sociale propose «les principes et les valeurs qui peuvent soutenir une société digne de l’homme» (n°580). L’amour doit imprégner tous les rapports sociaux. Car lui seul peut changer l’homme.

Favorisant le dialogue avec tous ceux qui désirent sincèrement le bien de l’homme, ce document est un guide pour inspirer les comportements et le choix qui garantissent un avenir meilleur. Il revient aux conférences épiscopales d’en faire un usage utile dans leurs situations particulières. En réalité, ce document est destiné aux évêques, aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux laïcs (n°11), aux frères des autres églises, aux communautés ecclésiales, aux disciples des autres religions, aux hommes et aux femmes de bonne volonté qui s’efforcent de servir le bien commun (n°12). D’usage très pratique, il comprend vingt-six pages d’index des références (p.333-358), soixante et une pages d’index analytique (p.359-519), dix pages d’une table de matières fort détaillée (p.521-530) ! Ainsi, on comprend que les rédacteurs ont voulu offrir au lecteur un outil de travail de consultation fort aisée. Il nous reste plus qu’à en tirer un profit maximal.
Karma-Yoga